Exclusion d’un associé de SAS et respect du droit de propriété - commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2022 (n° 2022-1029 QPC, 9 déc. 2022)

Si, comme le chante Maxime LEFORESTIER, « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille » (« Né quelque part » 1987), on choisit ses associés et parfois la manière de s’en séparer. C’est ici tout l’intérêt de statuts de société bien rédigés et/ou d’un pacte d’associés anticipant cette situation.

Pourtant, au titre des droits constitutionnels figure le droit de propriété. Ainsi les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 indiquent d’une part que les « droits naturels et imprescriptibles de l'Homme […] sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » et d’autre part que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Or le 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la légalité de clauses statutaires d’une Société par Actions Simplifiée (SAS) qui avaient pour objectif de contraindre un associé à céder ses actions. Et donc à le priver de sa propriété…

Être contraint de céder ses actions, par la mise en jeu d’une clause statutaire, constitue-t-il une atteinte au droit de propriété ? Telle est donc la Question Prioritaire Constitutionnelle (QPC), sur laquelle le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer, en « vérifiant » la légalité des articles L.227-16 alinéa 1 et L.227-19 alinéa 2 du Code de commerce au regard de la Constitution française.

Ces articles prévoient notamment que « les statuts peuvent prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions » et que les clauses statutaires relatives à ces conditions de cession forcée « ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts », l’unanimité n’étant pas ici requise.


La décision du Conseil constitutionnel, attendue par un grand nombre de juristes et d’associés de sociétés, s’est révélée sans surprise ; La haute juridiction a retenu que les articles du Code de commerce étaient conformes à la Constitution puisqu’ils n’avaient pas pour seul objet de permettre l’exclusion d’un associé et qu’il ne s’agissait pas là d’une privation de propriété au regard de la Constitution Française dès lors que la mise en place de la clause statutaire respecte la mise en place d’une procédure conforme à l'intérêt social et à l'ordre public, et prévoit le rachat des actions.

Cela n’empêche nullement l’associé exclu de contester devant les tribunaux la réalité et la gravité du motif de l’exclusion… ainsi que la valeur des actions qu’il a été contraint de céder. Mais il ne pourra plus évoquer une « dépossession » au regard du droit constitutionnel de propriété.

D’où l’intérêt d’être particulièrement attentif lors de la rédaction des statuts et de s’en faire expliquer les tenants et aboutissants par leur rédacteur...